Lundi 23 mars 2020, 9h30.
Nous entrons dans le septième jour de confinement ici, en France. Ce week-end a marqué la fin d’une première semaine inédite. La mise en place du confinement a été lancée par l’allocution présidentielle du lundi 16 mars, à 20h. La ruée vers les supermarchés et pharmacies n’a pas attendu le discours d’Emmanuel Macron. Dès samedi 14 mars, à minuit, les bars, restaurants et discothèques ont fermé leurs portes. Les crèches, écoles, collèges, lycées et universités n’ont pas ouvert le lundi matin. Avant le 16 mars, les premiers rayons vidés dans les supermarchés semblent avoir été les féculents (pâtes, riz) et le papier hygiénique. À cela se sont surtout ajoutés les œufs et le beurre. À l’exception des « activités essentielles à la nation », de la nécessité de s’approvisionner ou de divers motifs « autorisé[s] par l’article 1er du décret du 16 mars 2020 portant sur la réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19 », les Français.e.s sont invité.e.s à se confiner dans leur domicile.
De mon côté, l’appartement de 38m2 que j’occupe avec mon compagnon est devenu notre bureau partagé. De bureau, nous n’en avons qu’un, en réalité, que l’on se partage en alternant par demi-journée. Lui remue ciel et terre pour maintenir sa start-up à flot. Pour ma part, la quête d’un contrat post-doctoral à l’étranger, entamée en janvier, a pris un nouveau tournant. Depuis mardi, l’immeuble est extrêmement silencieux, ce qui m’a poussée à croire que la plupart des voisin.e.s étaient parti.e.s. Des échanges d’emails ce week-end m’ont fait prendre conscience qu’ils/elles étaient seulement bien cloitré.e.s chez eux/elles. L’ambiance extérieure est également très calme. Le boulevard périphérique dont j’aperçois une toute petite partie depuis la fenêtre de la chambre est extrêmement fluide. Il peut même arriver qu’aucune voiture n’y passe pendant une à deux minutes, en pleine heure de pointe. Le bruit des freins du RER, que je peux maintenant deviner, témoigne de la baisse d’intensité du trafic. De l’autre côté, l’appartement donne sur les cours intérieures. La forme en L de l’immeuble me donne la possibilité d’échanger quotidiennement avec un couple d’amis voisins. À une exception près, je n’ai jamais aperçu les autres occupant.e.s de l’immeuble ayant accès à un balcon (dans les étages) ou à une terrasse (au rez-de-chaussée). À côté, quelques enfants apparaissent de temps en temps pour jouer au ballon ou faire un tour de trottinette sur le petit parking de leur immeuble.
Au cours de la semaine passée, j’ai été amenée à sortir pour faire des courses et courir un peu dans un rayon d’à peine 500 mètres. À défaut d’entraînements collectifs, le groupe de course à pied dont je fais partie s’est organisé pour maintenir une activité à distance. Les entraîneurs mettent à disposition des vidéos d’exercices physiques réalisables entièrement en intérieur. Certains, comme moi, se regroupent pour faire ces séances de sport en visio-conférence. Les appels vidéo collectifs avec les ami.e.s et la famille n’ont jamais été aussi fréquents, révélant parfois l’immense frustration des échanges à 10 ou 15 personnes. À l’extérieur, à défaut de pouvoir continuer les entraînements habituels, je me suis réjouie de pouvoir tourner une quinzaine de minutes sur un circuit de 300 mètres en prenant soin de m’éloigner d’au moins trois à quatre mètres des rares personnes croisées dans la rue. Ces sorties sont maintenant remplacées par la corde à sauter sur le balcon. Les autres déplacements sont exclusivement réservés aux achats alimentaires. Les trois supermarchés aux alentours n’ont ni rayon bricolage, électroménager, ni papeterie, librairie ou journaux. La maison de presse du quartier est fermée, probablement car sa gérante est trop âgée pour prendre le risque d’ouvrir son commerce. Sans imprimante, chaque sortie est précédée de l’étape de rédaction obligatoire de l’attestation de déplacement dérogatoire.
Dans ce contexte, en parallèle de la poursuite de mes projets de recherches post-doctorales, cette contribution prend la forme d’une chronique ethnographique qui devrait probablement évoluer avec le temps, en fonction des angles qui me sembleront intéressants à observer, à décrire, puis à analyser.
Merci, Marine, de ce joli texte, et un clin d’oeil aseptisé depuis Les Lilas, 93. A très bientôt.
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Merci Eveline, et au plaisir de vous lire aussi, si vous souhaitez partager quelques tranches de vie en provenance du 93. Amicalement, ML
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