27 mars 2020, J10 du confinement, Paris
Deux points :
Premier point)
Je lutte contre le confinement de mes outils numériques. La batterie de mon téléphone s’accroche désespérément, mon ordinateur essaie de ne pas basculer hors de ce monde. Ils sont grippés eux aussi. Mais c’est mon seul moyen de lien avec l’extérieur.
Pour des raisons complexes, mon appartement ne peut pas être relié à la fibre. Mon moyen d’accéder à Internet est de passer par le partage de connexion depuis mon téléphone, à travers mon forfait téléphonique. C’est mon modem. Or, mon téléphone est en train de tomber en panne, comme je l’ai écrit. Pourtant, c’est mon moyen de m’informer ; c’est là-dessus que je regarde des vidéos, que je lis des articles ; c’est un de mes outils de travail important ; mon moyen de communication avec ma famille, mes amis, mon compagnon à l’étranger ; c’est un de mes moyens de me divertir (films, séries, musique, livres virtuels) ; c’est un moyen de création (photo, graphisme) ; c’est une aide quotidienne (bloc-notes, agenda, réveil, montre). Bref, j’oublie sûrement des fonctionnalités, mais, bien que dans la vie quotidienne, habituellement, j’essaie de ne pas y être constamment collée, dans cette situation de confinement, il m’est essentiel de l’utiliser.
Beaucoup d’éléments de mon existence sont fragiles. Jusque-là, j’avais l’impression de maintenir le tout dans un certain équilibre. Mais cet événement (l’arrêt qui ne saurait tarder de mon téléphone) fait tout basculer. Ça me rend très inquiète, je me sens acculée, face au vide.
Il y a des solutions bien sûr, notamment parce que je ne suis pas seule dans l’appartement, et je sais que ce mini drame personnel est tout à fait relatif en regard des réelles difficultés que beaucoup rencontrent en cette période, mais à cet instant, je ne peux pas m’empêcher d’avoir l’impression que la dernière fondation de cette structure (assemblant tous ces éléments fragiles) s’effondre.
Deuxième point)
Tout en ayant montré à quel point le contact à travers le numérique était important pour moi en ce moment, ce que je ressens aussi, c’est de la curiosité pour voir ce qui se passe dehors, et ce n’est pas remplacé par ces fenêtres virtuelles (vue, toucher, odorat,…)
Parallèlement, les voisins sont plus « présents ». Effectivement, ils sont dans leur appartement au lieu d’être au travail, en balade, ou ailleurs, et moi pareil. De fait, nous cohabitons beaucoup plus. Mais par conséquent, nous nous entendons les uns les autres davantage. C’est-à-dire que des activités s’entreprennent alors qu’on ne trouvait pas le temps avant pour les faire. On se permet aussi plus de liberté dans les bruits, on prête aussi plus d’attention à ce qui nous entoure… Une sorte de sociabilité par l’ouïe. Qu’elle soit agréable ou non (ouïe).
Je remarque que je suis aussi plus communicative, c’est-à-dire que j’initie plus souvent le dialogue sur l’espace numérique, et dans la vie physique (avec mon frère), je parle davantage (ici je ne sais pas si on peut parler de sens).
Finalement, comme si en l’absence d’une accumulation d’activités, une nouvelle attention était portée aux sens… On a le temps, peut-être. Un certain silence aussi, peu habituel en pleine ville, permet aussi cette écoute nouvelle.