On regarde les animaux, on prend le temps : les agissements d’une colonie de gendarmes, les oiseaux qui viennent boire dans le bol posé pour eux. C’est incroyable comme le temps a l’air long et pourtant comme il file. Nous sommes bloqués, nos corps presque immobilisés, et le temps continue lui de courir, de s’enfuir.
J’oscille entre concentration dans mon travail de rédaction de mon mémoire de Master 2 et moments de panique qui me paralysent. Ne pas pouvoir sortir se changer les idées, se promener à a guise, à plus d’un kilomètre de chez soi, prendre les transports, se mêler à la foule, travailler au café, retrouver des amis : sans ça, les moments de doute sont bien plus difficiles à dépasser. Ces instants du quotidien banals manquent. Les appels ou messages sont essentiels, mais ils ne les remplacent pas complètement.
Le soleil se faisant plus chaud, on a ouvert les fenêtres. Comme les voisins. On les entend vivre et ce murmure donne une impression retrouvée de rencontres. On partage alors une certaine intimité, qui d’habitude est peut-être moins visible, moins montrée. On entend les parents éduquer leurs enfants. On partage les goûts musicaux variés, la k-pop, le rap et l’opéra se font écho. On découvre des talents (chants, instruments). On est aussi mis face au désarroi et à la colère. Hier une femme martelait: « avale, prend avec la cuillère, voilà, non, ne crache pas! » L’agacement pointait, jusqu’à des mots durs, qu’elle s’excusait aussitôt d’avoir prononcés. J’ai compris au bout d’un moment qu’elle s’occupait d’une personne âgée. Des questions émergent alors de ces scènes à demi dévoilées, on invente des histoires. On a envie d’en savoir plus sur ces personnes qui nous entourent, ces gens qu’on croise dans la rue d’habitude sans les voir. Par les sons, une image de nos voisins se révèle, à laquelle on n’avait pas accès en sortant de chez nous.
Chez moi, la routine du confinement continue avec mon frère. Seulement, on cuisine plus que jamais. On innove, on tente des recettes. On a besoin de créativité, de découvertes. Et surtout on a le temps.