« Observation/action d’une anthropologue dans le centre communautaire du village », Clara Malbos, Mahahual, Mexique, n°5

Lundi 20 avril à 13:07,

Vendredi dernier, Maria, la responsable du centre communautaire de Mahahual me contacte. Elle veut organiser – en plus des distributions de sacs de nourriture hebdomadaire – des distributions de repas gratuits. Elle a besoin d’aide pour préparer la nourriture et pour acheter le riz et les haricots noirs.

Le lendemain, j’arrive donc à 7h du matin – avec mon compagnon et trois autres amies – au centre communautaire pour commencer à préparer le repas. De 8h à 11h, on prépare à manger pour les 150 personnes qui vont venir chercher leur repas.

Maria dirige les opérations avec une main de fer. Elle nous raconte plus tôt dans la matinée que la veille, son mari s’est saoulé avec son beau-frère ; pour le punir elle ne lui a pas servi à manger ce matin. En ces temps de crise nous dit-elle, elle est la seule de la famille à ramener un revenu à la maison et il est hors de question que son mari utilise cet argent pour aller boire.

Vers 11h, d’autres personnes arrivent pour installer les dons de nourriture. Ce sont les femmes de la famille de Maria, ses sœurs, cousines et sa fille. Les hommes derrière, traînent de la patte ; ils font ce que leurs sœurs, mères ou cousines leurs disent sans vraiment prendre d’initiative.

Au même moment, on voit arriver quatre 4X4 énormes. Ce sont « los americanos » avec leurs coffres remplis de nourritures. Ils viennent toutes les semaines donner de la nourriture au centre communautaire que Maria et son équipe vont redistribuer par la suite. À ce moment-là, je me retrouve embarquée dans tout cet échange. Maria m’appelle et me demande de faire la traduction entre elle et la personne en charge du groupe des « américanos ». Toutes ces personnes vivent à Mahahual une partie de l’année et  travaillent dans le tourisme. Ils ne parlent pas espagnol et Maria pas anglais. Je fais donc la passerelle entre les deux. De fil en aiguille, il est convenu qu’à partir de maintenant c’est moi qui ferai faire le lien entre Maria (le centre communautaire) et Bradey et Karen (le groupe d’américain).

Depuis donc 4 jours, je me retrouve en charge de la communication entre les donneurs (les américains) et les intermédiaires des receveurs (le centre communautaire). Ce rôle – crucial pour ma recherche – est tout de même demandant d’un point de vue personnel. Je reçois un grand nombre de messages par jour et je dois donc être présente à chacune des transactions et éviter le plus de malentendu possible, entre deux langues et donc aussi entre deux cultures.

La première observation que je peux faire est la suivante : le centre communautaire met en place un grand nombre d’actions et agit rapidement ; il répond directement et dans l’urgence. Le groupe d’américain quant à lui, me pose des questions très précises sur la quantité de nourriture souhaité par semaine, l’organisation des groupes de volontaires (qui vient quel jour, les horaires). Des questions que je n’ose parfois pas demander à Maria car je sais qu’il n’y a pas de réponse. Quand Bradey me demande par exemple de qui seront composés les groupes de volontaires pour les semaines à venir, je ne sais pas quoi lui dire. Je sais qu’il s’attend à une réponse claire avec des informations précises et que c’est entre autre pour cela que j’ai été désignée comme intermédiaire. Je vais donc devoir, pendant les prochaines semaines, répondre aux attentes du groupe d’américain, et aux questions du centre communautaire.

De plus, quand le groupe d’américain est arrivé – avec de la nourriture qui a ensuite été triés par le centre communautaire – j’ai eu un sentiment assez bizarre et je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la théorie des classes de Marx. J’avais l’impression de retrouver – de manière très distincte – d’un côté les personnes qui ont la force de travail, les ouvriers ; qui sont ici les volontaires du centre communautaires qui triaient et emballaient la nourriture. Et de l’autre côté ceux qui ont les moyens de productions : les américains – qui mettent en place, en l’espace de quelques jours, des levées de fonds de plusieurs centaines de dollars -.

Je vous laisse en lien les deux vidéos qui ont été faites justement dans le but d’obtenir plus de fonds. La première – faite à la demande du groupe d’américain, explique en anglais le projet de donation de nourriture, et le deuxième – fait à la demande du centre communautaire – montre les distributions de repas de vendredi dernier.

Si jamais cela vous intéresse, je pense qu’il pourrait être intéressant de discuter ensemble de ces vidéos. La voix-off de la première pose certaines questions sur les moyens employés pour obtenir des donations.  L’anthropologie humanitaire s’intéresse au rôle des acteurs humanitaires et je pense que ces deux petites vidéos peuvent être des outils d’analyse pertinents en ce temps de coronavirus.

Vidéo 1 :

Vidéo 2 :

Une réflexion sur “« Observation/action d’une anthropologue dans le centre communautaire du village », Clara Malbos, Mahahual, Mexique, n°5”

  1. La voix off, le montage et la narration sont, en effet, des différences flagrantes. Ce qui me marque le plus c’est à la fin; dans la vidéo 1. un « synopsis » de personnes que l’association voudrait remercier. Dans la vidéo 2. un message pour indiquer l’échelle de valeur d’une donation de 100$.

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