Journal de bord #1 Stella Do Rego.

Cela fait pratiquement 05 mois que l’affreux virus sévit et un mois qu’il oblige les béninois à ralentir la cadence de leurs activités. Enfants, étudiants et même salariés (certains) sont à la maison.

J’habite à Sènadé et en temps normal, il y a une horde de passants, de jeunes et d’enfants autant à cause des nombreuses écoles et universités présentes dans le coin, qu’à cause des commerces divers. En temps normal, les rues grouillent de monde et un orchestre s’improvise et lance une symphonie bruyante, mais amusante composée de klaxons, de rires d’adultes et d’enfants, de cris débridés et même d’insultes scandaleuses.

À midi, mais surtout de 17 à 19 heures, collégiens et lycéens prenaient en otage la ruelle qui jouxte l’immeuble où j’habite, et y faisaient leur show, barrant même la route quelques fois. Certains restaient accoudés au caniveau à papoter, pendant que d’autres se remplissaient la panse ou dansaient en plein milieu de la route en terre. D’autres encore ne se gênaient pas pour jouer les Roméo auprès de jolies jeunes filles. Au début, cela m’était agaçant et énervant. Contre toute attente, j’ai fini par m’y faire: car comment ne pas succomber au spectacle, ô combien fascinant et drôle, de dizaines de jeunes en Kaki qui croquent la vie à pleine dent et en toute innocence ? Sans parler des adultes dont le show commençait la nuit, près des bars, à l’intérieur des buvettes ou tout simplement devant leur maison à boire, fumer, observer, jouer, rire ou critiquer. En temps normal, Sènadé est toujours animée et offre son spectacle et toute sa joie aux passants qui foulent son espace à toute heure du jour et de la nuit.

Mais on est plus en temps normal. La vie reprend bien tardivement désormais, pour prendre fin très tôt. Les enfants et les ados n’offrent plus leurs spectacles amusants aux spectateurs improvisés que sont les passants. Les jolies jeunes filles n’ont plus de Roméo pour les admirer et les adultes font leur show rarement et à distance les uns des autres.

Pour la majorité, le moral décline de plus en plus, il y a de moins en moins de monde. L’ennui gagne de plus en plus du terrain, l’air nocturne qui avant était apaisant et revigorant semble maintenant fade comme si le vent s’était rendu compte de la morosité environnante. Certains commerces ont même fermé, je me demande encore si c’est par peur d’être contaminé ou par absence de clients. C’est triste tout ça et je ne le dis pas parce que ma pâtisserie de prédilection fait partie de ces commerces.

Quelques-uns pensent que cette histoire est une leçon qui nous montre qu’il y a une force plus grande que nous, qui transcende notre esprit et notre compréhension. En clair, l’homme a longtemps été arrogant, condescendant et vaniteux, détruisant la nature sur son passage et se prenant pour le maître du monde, là où l’univers lui, enseigne l’humilité.

Les rapports sont moins chaleureux et amicaux à causes des masques et des gestes barrières. Enfin, pour ceux qui les respectent, car il y a encore des personnes incrédules, qui pensent encore que tout ça, c’est du flan. Pourtant, il y a des contaminations et même des morts. Pour ces gens-là, ce n’est rien d’autre qu’une histoire : il n’y a pas de virus au Bénin… Ils prennent des risques inconsidérés et mettent en danger leur vie et celle de leur entourage, pendant que d’autres sont réellement effrayés.

Ma famille fait partie de ceux là, nous ne sommes que trois : ma mère, ma sœur et moi. Ma mère limite extrêmement nos sorties, quand elle ne les interdit pas carrément. À l’entrée de notre appartement, elle a installé un dispositif de lavage de main et veille scrupuleusement à ce que les étrangers et invités l’utilisent et respectent les gestes barrières. Nous nous lavons les mains plus de fois qu’avant. Quand l’ennui nous frappe de plein fouet, ma sœur et moi réprimons notre envie de sortie autant à cause des risques que des œillades assassins de notre maman. Au moins sommes-nous plus chanceuses que beaucoup d’autres car n’ayant pas de soucis particuliers, nous buvons et mangeons à notre faim.

En attendant que la tempête ne passe, je me gave de nourriture et culpabilise après (parce que j’exagère toujours). Après quelques révisions, je dévore les informations et les romans…. Et comme des milliers de personnes à travers le monde, je prie pour que ce virus nous lâche enfin la grappe.

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