Enquête thématique n˚ 17, « Lyon Patrimoine Mondial : lieu d’utilité publique et d’engagement social », Maria Helena, Brésil/France

Il pleut ! Et devinez ce qui se passe dans les espaces publics des villes ? Celui qui pensait qu’elles seraient vides s’est trompé. Les rues ne sont pas bondées, mais il y a toujours un public résistantes et masquées, avec ou sans parapluie, qui déambule dans les rues. «Ah, mais ce sont des touristes ! »  Non, ce n’est pas vrai ; la plupart d’entre eux sont des résidents.

Utilisation publique du Vieux-Lyon 
Source : collection de l’auteur (sept. 2020)

Les températures ont chuté en raison des fronts polaires qui se déplacent successivement du pôle nord et traversent le territoire français du nord-ouest au sud-est depuis la semaine du 21 septembre inclus, provoquant des chutes de neige précoces et vigoureuses dans les montagnes des Alpes (frontière de la France avec l’Italie) et Pirineus (frontière de la France avec l’Espagne). Les températures maximales autour de 30 degrés Celsius dans la semaine du 10 septembre n’ont pas dépassé 13 degrés le samedi 26 septembre. Le froid et la pluie fine qui a insisté pour tomber (depuis l’aube du dimanche 20 septembre) n’ont pas étonné les citadins et les touristes des rues de la ville. Selon le calendrier, on voit l’entrée de l’automne, mais en pratique, le climat est même hivernal. 

Lyon est une ville qui présente une véritable dynamique de vie urbaine intense. Le nombre de personnes dans les rues augmente considérablement tout au long de la journée, pendant les périodes d’interruption des pluies ; les citadins se déplacent vers les activités quotidiennes prosaïques d’approvisionnement et d’achat dans le commerce installé dans la rue de la République (le commerce de détail de vêtements, de chaussures et les magasins spécialisés dans les produits pour la résidence ; la parfumerie ; la papeterie ; l’informatique et la technologie, etc.), ainsi que pour des rencontres sociales et des expériences gastronomiques. Cependant, il existe également un nombre important de déplacements motivés par des promenades dans l’espace urbain, des visites d’équipements culturels et la pratique d’activités physiques (même en période de pluie).

Loisirs sans prétention dans le Centre Historique de Lyon
Source : collection de l’auteur (sept. 2020).

Le week-end du 26 au 27 septembre, en raison des conditions météorologiques malheureuses, il a été programmé la suspension de la libre circulation des véhicules dans les rues d’une partie du Centre Historique, afin d’encourager et de renforcer l’utilisation de cette zone par les piétons. Le samedi, citadins et touristes ont pris les espaces publics, s’abritant dans des établissements de restauration, des établissements commerciaux, des équipements culturels et des attractions touristiques, dans les quelques moments de pluie. Le dimanche, le jour où la pluie était la plus persistante, j’ai constaté une réduction du nombre de personnes dans les rues – ce qui n’est pas très importante par rapport au nombre de personnes la veille ; les personnes sont moins exposés aux intempéries dans les espaces publics ouverts, mais le temps ne semble pas être un obstacle pour quitter la maison et découvrir l’espace publique ou se découvrir dans les espaces d’usage collectif de la ville. Le dimanche a été très mouvementé au Musée d’art moderne ! Il a été possible de constater un nombre considérable de visiteurs dans ses salles d’exposition et, compte tenu du discours d’une employée de l’institution, qui entretenait de manière informelle avec l’un de ses collègues, le dimanche est le jour où la fréquentation est la plus importante, un fait qui ne permet pas d’attribuer cette augmentation de visiteurs aux conditions météorologiques du jour : P1: “Il y a du monde!” (il y avait une préoccupation implicite dans le discours concernant les contagions du coronavirus) ; F2: “C’est dimanche”, a répondu à sa collègue, en levant les mains à hauteur d’épaule et en signalant d’un geste qu’il n’y avait pas grand chose à faire 🤷🏻‍♀️.

C’est dimanche!
Source : collection de l’auteur (sept. 2020).

Ma surprise de voir les rues si fréquentées, même avec la pluie, a aiguisé ma curiosité et m’a amené à continuer promenant dans la ville tout au long du samedi, du dimanche, des jours et des semaines suivants de froid et de pluie. Il n’est pas surprenant de voir de nombreuses personnes utiliser l’espace public pour des activités de loisirs dans les jours de pluie, car ce comportement est prévisible et le nombre de personnes dans les rues varie en relation directe avec le degré de population absolue (populeux) et la densité de population. On s’attendrait également à ce que les touristes séjournant dans la ville sortissent pour se promener dans la rue, ignorant les conditions météorologiques, cherchant à profiter de leur programme de voyage, étant donné qu’il y a eu une nette réduction du nombre de jours de voyage dans les mobilités de loisirs au cours des dernières décennies. 

La surprise était liée à l’occupation considérable des espaces publics, principalement par les résidents et, surtout, à leur comportement de marche lente dans les rues – dans les espaces publics ouverts – comme quoi profite confortablement d’un lieu. C’étaient des personnes de tous âges, de tous sexes, la plupart réunies en petits groupes, se déplaçant avec insouciance et il n’est pas possible de dire que ce comportement, en cette période de changement climatique soudain qui a caractérisé la transition de l’été à l’automne en 2020, est dû à l’inertie thermique et des habitudes qui caractérisent le comportement humain (l’organisme et le comportement ont besoin d’un certain temps pour s’adapter aux nouvelles conditions environnementales et ont tendance à maintenir leur comportement antérieur pendant une courte période, même en cas de changements externes).

Espace public : stimulations modérés à être et à utiliser l’espace

Il est possible que cette dynamique d’utilisation de l’espace urbain soit le résultat d’une longue trajectoire de promotion de l’utilisation de l’espace public lyonnais dans le temps disponible / libre. Programmes d’activités dans les espaces publics de la ville (socioculturels, sportifs, de loisirs) ; des actions et des politiques visant à valorisation des installations culturelles et de loisirs (y compris les places et les parcs), tant publiques que privées ; la promotion d’événements le week-end et également de durée hebdomadaire ; la stimulation des activités de plein air, par l’utilisation de vélos et d’autres moyens alternatifs de mobilité (skateboards, vélo,  trottinettes, etc.) ; mais aussi de grands événements à forte attractivité touristique (Tour de France, Fête des Lumières, Festival Lumière, etc.), ont été systématiquement mis en œuvre au cours des dernières décennies. Les citoyens résidents ont été privilégiés comme bénéficiaires de plusieurs de ces actions et les touristes bénéficient par conséquent d’un offre étendue d’options d’activités tout au long de l’année, car ils peuvent également participer à des activités a priori promues pour le public résident.

Ironiquement, cette année, la reprise de la « normalité » des grands événements et l’encouragement du développement du tourisme en basse saison touristique ont été célébrés avec le Tour de France. Ironiquement, l’événement, organisé par des gestionnaires et des institutions publiques, a rassemblé un large public dans des situations où il était impossible de maintenir la distance physique recommandée en temps de pandémie et à un moment où les mêmes acteurs exigent fortement de maintenir une distance physique d’au moins 1 mètre entre les personnes, en plus des autres comportements recommandés pour réduire la vitesse de propagation du coronavirus. Cependant, le maintien de l’événement et la confirmation de la participation de Lyon en tant que ville hôte sur le parcours de la compétition et du tourisme sportif, ont permis à la ville de bénéficier d’un marketing spontané puissant, salutaire dans une période de crise économique aussi délicate que cette provoquée par la pandémie, augmentant sa visibilité, sa compétitivité et sa capacité à attirer des ressources, des touristes et des entreprises.

Un grand événement, une forte densité
Source : collection de l’auteur (sept. 2020).

Des centaines de personnes se sont rassemblé, surtout le jour de l’arrivée (12 septembre), dans les rues le long du parcours qui auront passé devant les cyclistes concurrents, les équipes de soutien, les sponsors, les organisateurs, les équipes chargées du marketing, etc.. La reprise de la compétition le 13 septembre à midi au Parc de Gerland, moment prévu pour le début de la 15e étape, s’est en revanche accompagnée d’une forte réduction de l’audience ; le lieu et l’heure de la manifestation ont probablement favorisé cette réduction.

Tour de France : la 16e étape a commencé !
Source : Collection de l’auteur (sept. 2020).

Le week-end suivant (19 et 20 septembre) a eu lieu la Journée du Patrimoine, qui a favorisé diverses activités de loisirs à caractère historique et culturel dans toute la ville et la région métropolitaine, en renforçant la stimulation de l’utilisation de l’espace urbain, de son patrimoine culturel et architectural, ainsi que de ses équipements culturels.

Journée du patrimoine au Vieux-Lyon
Source : collection de l’auteur (sept. 2020).

Le troisième week-end de septembre (26 et 27 septembre) a de nouveau été une période de grande animation, refroidie seulement par les basses températures du climat. À la fin du mois, la ville a mis en œuvre un programme à l’usage exclusif des piétons d’une partie du Centre Historique sauvegardé au titre du Patrimoine Mondial, une action qui s’inscrit dans le droit fil des politiques publiques visant à promouvoir la réduction du nombre de véhicules à moteur dans l’espace urbain central de la ville, ainsi qu’à encourager l’utilisation des moyens de mobilité collective et de masse (bus, trains, tramways, métros) et des moyens alternatifs (vélos, skateboards, planches à roulettes, etc.), afin de faire face aux impacts des encombrements et de la pollution atmosphérique.

Exclusif pour les piétons !
Source : collection de l’auteur (sept. 2020).

Le troisième trimestre a également été inauguré par des célébrations. Le Festival Lumière, grand événement culturel et de divertissement, fera bouger la vie quotidienne de la Région Métropolitaine de Lyon entre le 10 et le 18 octobre, avec des projections de films dans 35 salles de cinéma réparties dans toute la région. Le Centre historique, en particulier, abritera un programme de projection dans huit salles, concentrées dans les arrondissements 1˚ et 2˚.

Festival Lumière – du Centre Historique à la Région Métropolitaine
Source : développement propre ; Institut Lumière (oct. 2020).

Malgré la critique des mesures du secteur public pour contenir la contagion du coronavirus et la reprise progressive et contrôlée de la « vie normale » des villes, des différents segments d’activités et secteurs économiques pendant la pandémie, une partie des actions visant à encourager l’utilisation des espaces publics urbains et des équipements culturels a été maintenue à Lyon au second semestre 2020. Dans une période d’actions jugée paradoxale, compte tenu de la sélectivité qui a présidé la définition du champ d’application des restrictions, tous les événements ne sont pas restés au calendrier de la ville : la Foire de Lyon (salon laïque), le Pollutec (salon international visant à discuter des solutions environnementales pour le développement de l’industrie, de la ville et de ses territoires), la Biennale d’Art Contemporain, la Biennale de la Danse et plusieurs autres événements, de tailles et formats différentes, ont été annulés. 

La bonne nouvelle est que, indépendamment des actions publiques stimulant l’utilisation de l’espace urbain et patrimonial, la présence remarquable des citoyens dans les rues, les places, les parcs et les équipements culturels, dans des contextes de jouissance du temps disponible et libre, même en temps de pandémie, est révélatrice des relations explicites d’appartenance, de valorisation et même de défense tacite de la liberté et de l’espace public, comme environnement de convivialité et de développement social. 

Des actions qui, dans certaines circonstances, ressemblent à une résistance aux contraintes et aux limites imposées par la pandémie, communiquent des valeurs, des aspirations et des significations forgées quotidiennement par les citoyens, concernant la ville et la vie urbaine, ainsi que, progressivement, jettent les bases pour la conformation d’environnements urbains divers, collectifs et dynamiques, favorables à l’exercice de la citoyenneté et aux médiations entre liberté, le publique et privée. A titre d’exemple de cette situation, sont les centaines de groupes d’amis et de familles qui sont sortis dans la rue pour socialiser et partager des repas le jour où de nouvelles règles plus restrictives pour le fonctionnement des bars, des restaurants et des espaces de sport (samedi 10 octobre) sont entrés en vigueur, restant discrètement dans les établissements de restauration, même après l’heure fixée pour la fermeture des activités – 22 heures.

Visites, rencontres et expériences gastronomiques dans le cadre de la pandémie COVID-19
Source : collection de l’auteur (oct. 2020)

Le centre historique n’avait pas l’air d’être occupé, mais les tables dans l’intérieur des restaurants étaient pratiquement toutes occupées. 

Socialisations – défenses discrètes des revendications sociales
Source : collection de l’auteur (oct. 2020).

En même temps, la valorisation de la liberté, des loisirs, de la socialisation et de l’utilisation des espaces publics, a démarré la récupération de plusieurs petites entreprises du secteur alimentaire, installées dans le périmètre urbain sauvegardé comme patrimoine. Ces comportements concrétisent les limites des fabulations associées au coronavirus et à la pandémie, conduisant inévitablement à une réflexion collective sur les projets de gestion publique des villes et des sociétés ; la capacité de continuer à favoriser le développement des différents segments des activités économiques dans la crise qui commence à se dessiner ; les transformations qui se profilent à l’horizon ; et le rôle de chaque citoyen dans la construction quotidienne de nouvelles possibilités pour un avenir pluriel, équitable et durable. Le climat défavorable, à ce premier moment, n’a pas éloigné les habitants et les touristes de la zone du patrimoine mondial de Lyon et de ses engagements sociaux !

Références

FESTIVAL LUMIÈRE. Programme. Disponível em: <http://www.festival-lumiere.org/en/>. Acesso em: 20 sept 2020. 

POLLUTEC – Le Salon. Disponível em <https://www.pollutec.com>. Acesso em: 12 oct 2020.

Tour de France à Lyon. Disponível em: https://actu.fr/auvergne-rhone-alpes/lyon_69123/tour-de-france-a-lyon-tous-les-horaires-pour-voir-les-coureurs-et-la-caravane-dans-le-departement_36067918.html>. Acesso em: 11 sept 2020.

TOUR DE FRANCE. Parcours. Disponível em: <https://www.letour.fr/fr/actus#culture-tour>. Acesso em: 09 sept 2020. 

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